Farouches tropiques

Non loin du canal de Panama, les Indiens Kunas gardent jalousement leur indépendance et leur culture

Certains voyages sont pour le moins surprenants. Ici pas le moindre hotel ou centre touristique.

La jungle du Darien ronfle bruyamment sous le soleil. Stridulation des insectes, cri rauque des harpies, grognement des singes paresseux suivis de toute une symphonie de glapissements indéterminés. Sur la cime des arbres, des toucans au bec écarlate semblent scruter l’horizon. Au bout d’un sentier nettoyé par des colonnes de fourmis, la jeep s’immobilise. Dominant une rivière, voici Puerto Lindo, petit village où vivent les Indiens Kunas, accessible en 4×4 trois mois par an. Des maisons rondes coiffées de palmes sont dispersées autour de petites ruelles en terre. Mais derrière les palissades de bambou, des regards curieux observent. Très peu de Blancs se sont aventurés par ici. A cette heure, les hommes sont partis aux champs. Et face aux étrangers, les femmes se cachent. Vêtues de molas (tissus brodés colorés), parées de bracelets de perles aux chevilles et aux poignets, le nez cerclé d’un anneau d’or, quatre Indiennes ouvrent leur porte. La conversation s’avère difficile. A Puerto Lindo, on ne parle pas l’espagnol. On ne connaît rien du monde extérieur. Sauf peut-être que le pays était il y a quelques mois en période d’élections. Des prospectus de partis politiques traînent encore sur le sol. Vestiges du passage de représentants de Panama venus en hélicoptère récolter les voix d’une population indigène qu’ils laissent depuis des lustres à l’abandon.

Originaires de la sierra Nevada au nord de la Colombie, les Kunas sont aujourd’hui au nombre de 50 000, mais peu d’entre eux sont restés isolés dans la forêt tropicale du Darien. Ils vivent surtout de l’autre côté du pays, dans l’archipel des San Blas sur la côte Caraïbe. Ils y ont implanté leurs villages parmi les trois cents îlots paradisiaques et ont réussi à maintenir au fil des décennies une autonomie politique et culturelle rare dans l’Amérique centrale d’aujourd’hui. Fiers et indépendants, ces Indiens n’ont cessé de résister avec succès aux envahisseurs et aux colonisateurs venus d’Europe. Leur «révolution» date surtout de 1925, date à laquelle ils boutèrent les Panaméens hors de leur territoire grâce à une intervention américaine: il fallait éviter tout désordre à portée du canal de Panama.

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Nick

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